À l’issue de cinq années d’études et de travaux de réparation en site occupé dans le quartier du Chêne Pointu, SOL sort avec la conviction qu’une approche féministe de la ville garantit une meilleure écoute des besoins, et une meilleure attention aux personnes et ressources en place.
En charge de la réparation et la mise en sécurité, des travaux urgents pour des immeubles privés d’entretien depuis des années, avant des démolitions prévues à un horizon de 3 à 10 ans, les collaboratrices de SOL vont plus loin. Elles mènent 154 visites-rencontres, organisent des ateliers et chantiers ouverts avec les habitant·e·s et actionnent des leviers d’activation et de pacification d’un site délaissé : réparation des intérieurs, transformation des parties communes, aménagement des espaces extérieurs ou encore valorisation des micro-commerces pour garantir un lieu de vie digne à tous·tes. L’occasion de prouver que la gestion de « l’attente » n’a rien de passif.
Hélène Reinhard affirme qu’être architecte c’est aussi "se mettre au service de la protection des logiques informelles qui régissent la ville". Pour SOL, la fabrique de la ville et des territoires doit être une pratique collective, démocratique, résiliente, inclusive, et empathique. La devise de l’agence : insuffler l’harmonie sans l’uniformité !
PRENDRE SOIN
Extraits du mémoire HMONP 2023 "Architecte-Mainteneur.euse" de Hélène Salanave - architecte HMONP, cheffe de projet sur la mission MOE au Chêne Pointu
" Alors que le libéralisme tend à exclure la vulnérabilité de la place publique, un courant de pensées issu du féminisme anglo-saxon théorise la notion de l’éthique du care et permet de redonner une place à la vulnérabilité. Joan Tronto, philosophe américaine et figure de cette éthique du care, considère que le care - plutôt que la production - devrait être au centre de notre vie. Elle définit le care comme une « activité [...] qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie » *.
Comment s’appliquerait l’éthique du care à l’architecture ? Pour cela, Joan Tronto invite les architectes à «ne plus considérer les bâtiments comme des choses mais comme un tissu de relations continues - dans le temps et l’espace - avec un environnement, des individus, une faune et une flore» **. Cela nécessite de tranformer fondamentalement l’intention architecturale en ne faisant plus attention seulement au projet architectural mais également à toutes celles et ceux qui sont impliqués : la MOA, la MOE, les entreprises, les usagers, les mainteneurs, mainteneuses, etc. «Par exemple, qu’arrive-t-il aux gens, aux magasins, aux biens, aux communautés déplacées pour laisser la place à un parc ? Qui occupera cet espace à l’avenir ? Comment les matériaux ont-ils été produits ? [...] Qui nettoiera et prendra soin de ce bâtiment, cette rue, cette infrastructure ?» **.
Joan Tronto formule une «humble requête» aux architectes d’aujourd’hui et de demain : Au-delà de « ce que veut le client », au-delà de l’architecture « verte » ou « durable », au-delà de construire un bel objet, nous avons dorénavant besoin d’une architecture qui s’acquitte de son rôle élémentaire dans notre responsabilité partagée de prendre soin du monde, une architecture qui soit sensible aux mérites de la réparation, de la préservation, du maintien de toutes les formes de vie et de la planète elle-même»**. Cette requête me fait penser à celle de Mme Diallo, habitante du Chêne Pointu que nous avons rencontré lors de nos entretiens aux pieds des immeubles en phase études en 2019, et qui nous exhortait : « Vous devez redonner du courage aux gens ». "
* Joan Tronto, Un Monde vulnérable. Pour une politique du care, Editions La Découverte, 2009
** Joan Tronto, "Caring Architecture", in critical care, architecture and urbanism for a broken planet, Angelika Fitz and Elke Krasky Editors, MIT PRESS, 2020. Traduction de l'anglais par Joanne Massoubre et Martin Paquot. Source : https://topolphile.net/savoir/vers-une-architecture-du-menagement/
Festival TOUS A VOS PINCEAUX - chantier ouvert au public - juillet 2023 - chantier orchestré par Anne Maréchal
JOURNEES TOUS A VOS PINCEAUX - chantier ouvert au public - juillet 2023 - chantier orchestré par Chloé Meyer