Partie 2 : UN IMMENSE CHANTIER DE REPARATION HABITE

Après deux ans de travaux, le chantier de réparation et mise en sécurité des bâtiments s'est achevé en octobre 2023. Une mission qui a consisté à mettre en oeuvre un programme de travaux en site occupé permettant de maintenir des immeubles jusqu'à leur démolition (durée de vie entre trois et dix ans), une mission de travaux d'urgence pour des immeubles dépourvus d'entretien courant depuis de très nombreuses années. Les objectifs : réparer, sécuriser et rendre pour les prochaines années les conditions de vie plus décentes pour les habitants afin qu'ils puissent jouir de ce droit fondamental qu'est le logement en toute dignité.

LE RETOUR D'EXPERIENCE d'Hélène Salanave, architecte HMONP, cheffe de projet sur la mission MOE au Chêne Pointu

Extraits de son mémoire HMONP 2023 intitulé "Architecte-Mainteneur.euse"

" Chaque chantier a son lot de complexités. Dans le cas du Chêne Pointu, la complexité ne résidait pas tant dans les défis techniques ou bien la veille au respect architectural du projet, mais bien dans le fait de réussir à réaliser les travaux préconisés en milieu occupé dans ce quartier en grande souffrance. "

UN PROGRAMME DE MAINTENANCE

" En parcourant l’ensemble des prestations que nous avons préconisées - on se rend compte de la prédominance d’actions liées au domaine de la maintenance, qui sont propres à un projet portant sur l’existant et à l’inverse très éloignées de celles d’un projet de construction neuve. La compilation de ces différentes actions m’a permis de distinguer sept familles d’actions que je présente ci-dessous en donnant pour chacune d’elles quelques exemples d’actions qui ont été mis en œuvre :

1. L’ETAT DES LIEUX : inspecter les conduits de ventilations, vérifier la mise en sécurité des tableaux électriques des logements, identifier les éventuelles pathologies électriques, etc.
2. LA REPARATION : réparer des marches d’escaliers, réviser les portes de halls, chemiser les réseaux d’assainissement, mettre en sécurité électrique les logements, refixer les garde-corps devant les baies des salons, etc.
3. LE REMPLACEMENT : remplacer les menuiseries extérieures, les chutes EU.EV.EP, les luminaires défectueux (réemploi), etc.
4. LA DEPOSE : déposer les persiennes menaçantes, déposer les faux plafonds cassés, etc.
5. LE NETTOYAGE : désinsectiser les sous-sols, dératiser les sous-sols, curer des réseaux d’assainissement, ramoner les conduits de ventilation, désencombrer les sous-sols, nettoyer les sols, etc.
6. L’EMBELLISSEMENT : repeindre les murs et plafonds des halls et cages d’escaliers, changer les boites-aux-lettres (réemploi), mise en œuvre d’un sol souple (réemploi), etc.
7. LA CREATION : construction de nouveaux emmarchements, plantation de menthe poivrée (répulsif anti-rats) aux abords des immeubles, aménagement de placettes devant certaines entrées de halls, etc. "

L'ARCHITECTE DE QUARTIER

" L'échelle de ce quartier avec ses 17 bâtiments répartis sur 10 hectares - soit l'équivalent de 15 terrains de foot - a rendu le suivi complexe car, durant tout le temps du chantier, de multiples travaux ont eu lieu simultanément à différents endroits du site. Ce chantier - qu’on pourrait caractériser d’itinérant - a été ponctué de visites de chantier hebdomadaires qui au vu de l’échelle du site s’apparentaient à des visites de quartier. Dans ce contexte-là, l’architecte n’est pas en vase clos derrière des palissades de chantier mais dans la ville. La conduite d’une réunion de chantier devient alors aussi un temps d’échange avec les habitant.es et usager.ère.s du site. Au fil des mois, j’ai eu l’impression d’endosser cette figure d’« architecte de quartier » qui m’a procuré un sentiment d’appartenance et de légitimité. Travailler sur un chantier habité m’a donné l’impression de participer un peu au bon fonctionnement du quartier tout comme le font quotidiennement les gardien.ne.s et les agent.e.s d’entretien, et de me glisser dans le ballet quotidien des mainteneurs et mainteneuses. "

" Notre équipe de MOE a été très présente lors des visites d’état des lieux des parties communes, abords et dans l’ensemble des logements avec l’entreprise générale dans les premiers mois de lancement du chantier ainsi que pour les visites d’OPR (Opérations Préalables à la Réception) à nouveau dans les parties communes, abords et dans l’intégralité des logements concernés par les travaux. Nous avons réalisé 678 visites d’OPR en logement (et 79 refus/absents). »

" J’ai d’avantage endossé durant ce chantier le rôle de «directrice de travaux» que celui d’«architecte-conceptrice». Malgré cela, le travail de terrain en milieu occupé ainsi que les nombreuses actions que SOL a mis en place m’ont donné la sensation de tenir le rôle d’une «architecte du quotidien», d’une «architecte de proximité». L’objectif de ce chantier a été d’améliorer les conditions de vie des habitants et donc indirectement de prendre soin d’eux. Prendre soin des habitants, Emmanuel Caille se dit également que c’est peut-être ce dont notre époque a le plus besoin.^* "